La victime d’une rupture brutale n’a pas à démontrer sa bonne foi. Toutefois, en pratique, la jurisprudence révèle que la mauvaise foi de la victime n’est pas sans incidence sur l’issue du contentieux. En témoignent deux arrêts rendus au cours de l’été.
Dans la première affaire, une société d’hébergement infogéré, la SARL ECRITEL entretenait un courant d’affaires avec une société de paiements sécurisés sur internet, la SA CARDS OFF.
La SA CARDS OFF ne payait plus ses mensualités depuis des mois. Après plusieurs mises en demeure restées sans effet, la société d’hébergement décide de suspendre ses prestations puis, de rompre le contrat en application d’une clause résolutoire.
La société SA CARDS OFF, qui en plus d’être un mauvais payeur, était manifestement d’assez mauvaise foi, décide d’assigner la société d’hébergement devant le Tribunal de Commerce de Paris en rupture brutale.
Sa demande est rejetée. Le Tribunal considère que la rupture n’était pas brutale dans la mesure où la société d’hébergement s’était contentée de mettre en œuvre une sanction prévue par le contrat en cas de non-paiement.
La rupture prise en application d’une clause résolutoire éloigne donc le risque d’une condamnation pour rupture brutale - pourvu que cette clause soit mise en œuvre de bonne foi !
TC Paris, 7 juin 2016, n°2013044769
Dans la deuxième affaire, la société JVC, fournisseur de produits électroniques, avait pour habitude de commercialiser ses produits par l’intermédiaire d’un revendeur grossiste spécialisé dans ce domaine, la société TF Inter.
Un jour, la société JVC décide de traiter directement avec un de ses principaux clients, la société Cdiscount.
Le grossiste évincé décide alors d’assigner la société JVC en rupture brutale. Sans succès. La Cour constate que la disparition du courant d’affaires provenait en réalité de l’absence de commande de la part du grossiste et non d’un refus de fournir de la part de la société JVC. Elle rejette donc sa demande.
Le grossiste se tourne alors vers son ancien client, la société Cdiscount, et l’assigne en rupture brutale partielle. La Cour admet cette fois-ci la brutalité de la rupture, en raison de la « réduction substantielle du volume d’affaires » qui était intervenue de manière assez soudaine.
Mais l’intérêt de cet arrêt est ailleurs. La Cour introduit un critère inédit concernant l’appréciation du préavis raisonnable, considérant « qu’il fallait prendre en compte d’autres critères comme la bonne foi et la loyauté de l’auteur de la rupture ».
Il est donc probable que les juges accordent une place croissante à la bonne foi dans le contentieux de la rupture brutale à l’avenir.
CA Paris, 2 juin 2016, n°14/24382