Les juges lyonnais ont récemment été saisis d’une difficulté relative à l’indemnisation de la brutalité de la rupture d’une relation commerciale portant sur des opérations de transport et de stockage. Ils reviennent alors sur les conditions d’application de l’article L.442-6.1.5 du Code de commerce.
Cet article pose le principe de la responsabilité d’un producteur, commerçant, industriel ou d’une personne immatriculée au répertoire des métiers qui rompt brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans donner un préavis écrit d’une durée tenant compte de celle de la relation commerciale.
Ainsi, le préavis doit être donné par écrit, lequel fait courir le délai de préavis.
Dans l’affaire qui occupait la Cour d’Appel de Lyon, il s’agissait d’une relation de quatre ans qui fut rompue par le client annonçant en janvier 2009 la fin des relations au 31 décembre 2008.
La rupture était donc rétroactive et nécessairement dépourvue de préavis.
Toutefois, les opérations de transport continuèrent de fait quatre mois après l’annonce de la rupture, comme les opérations de stockage, puisque le client ne reprit les marchandises entreposées chez le prestataire que neuf mois plus tard.
Se posait donc la question de savoir si, à défaut de notification d’un préavis écrit, la rupture demeurait brutale alors que dans les faits celui-ci s’était réalisé.
Les Juges soulignent que la continuation des opérations de transport ne peut constituer l’accomplissement d’un quelconque délai de préavis et retiennent la rupture brutale de la relation établie.
En revanche, ils considèrent que le demandeur à l’indemnisation est défaillant dans la charge de la preuve de la consistance et de la réalité de son préjudice, ne justifiant en aucune manière le calcul de sa perte de six mois de marge brute, se contentant de solliciter une indemnisation à titre forfaitaire, « aucune des pièces versées au débat ne permettant de justifier le calcul de ce préjudice. »
Or, selon la Cour de Cassation, (
Cour de Cassation, 29 janvier 2013 11- 23676 ), « l’adéquation du préavis écrit s’apprécie à la date à laquelle l’auteur de la rupture notifie son intention d’y mettre fin » ; il n’est donc a priori pas possible de tenir compte du maintien effectif de la relation dans les faits, aboutissant à des indemnisations quasi systématiques par certaines juridictions d’appel. ( CA ROUEN 9 dec 2010 RG 10/00274, estimant qu’ « il est certain que la rupture sans préavis cause un préjudice au moins durant les premiers mois suivant cette ruptur »e ; CA PARIS 4 mars 2011 RG 09/22892, jugeant « indifférente l’absence de diminution du chiffre d’affaires de la victime dès lors qu’il a nécessairement été amputé de celui qui aurait dû être réalisé pendant la période de préavis »).
L’indemnisation ne peut donc être faite déjà que par comparaison entre le préavis accordé et le préavis raisonnablement attendu.
Cette méthode d’indemnisation généralement pratiquée consiste alors à évaluer la perte de marge brute sur la période de préavis défaillante.
Toutefois, Les Juges lyonnais dans l’affaire précitée, ont considéré que le demandeur succombait dans la preuve de son préjudice, car n’en subissant aucun ; en effet, en dépit de la brutalité de la rupture (absence de préavis par l’envoi d’une lettre rétroactive), le client avait cependant été condamné à régler au demandeur les opérations de stockage réalisées durant les neuf mois consécutifs à la rupture.
Les Juges ont donc considéré que lui octroyer en plus, six mois de marge brute, montant du préavis judiciairement apprécié, ne reviendrait donc pas à l’indemniser mais à l’enrichir, puisque le préavis couvrait la même période.
Le prestataire ne pouvait donc solliciter l’indemnisation de la prestation effectuée et l’indemnisation de sa privation, même brutale, sans se contredire.
Les Juges lyonnais ont ainsi fait une application pragmatique du principe indemnitaire pour conclure à la défaillance de la charge de la preuve du préjudice sollicité.