L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 15 janvier 2014, ainsi qu’une décision de la Cour d’Appel de ROUEN du 3 décembre 2013, viennent confirmer un courant jurisprudentiel, imposant à l’employeur franchisé, lorsqu’il licencie l’un de ses salariés pour inaptitude, ou raison économique, de procéder à une recherche de reclassement au sein du réseau de franchise, assimilé à la notion de groupe en matière sociale.
Ainsi la jurisprudence sociale considère que le réseau de distribution demeure un groupe, générateur d’obligations sociales pour les employeurs, membres du réseau.
Dans les deux décisions précitées, les franchisés employeurs étaient ainsi membres d’un réseau de franchise et étaient poursuivis par leurs anciens salariés, demandant à ce que leur licenciement soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que leur employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement aux termes des
articles L1226-10 du Code du Travail ( en cas de licenciement pour inaptitude) et
L1233-4 du Code du Travail ( en cas de licenciement pour motif économique).
Les employeurs franchisés objectaient qu’ils avaient satisfait à leur obligation de reclassement, en recherchant au sein de leur entreprise un poste, et qu’ils n’avaient pas l’obligation de rechercher un poste au sein du réseau de franchise auquel ils appartenaient, dès lors que l’ensemble des membres du réseau étaient des distributeurs indépendants, rendant ainsi impossible la permutation de leur personnel.
Or, les juges considèrent que la recherche d’un poste de reclassement doit être effectuée non seulement dans l’entreprise de l’employeur, mais également dans toutes les entreprises du groupe auquel appartient l’entreprise, considérant que le réseau de franchise est présumé constituer ce groupe.
Pour combattre cette présomption, l’employeur Franchisé ne peut se contenter d’alléguer exercer son activité en application d’un contrat de franchise, il lui appartient de démontrer en quoi la permutation du personnel parmi les sociétés du « groupe » ne seraient pas possible.
Dans l’arrêt rendu par la Cour d ‘appel de ROUEN ( franchise QUICK), les juges ont ainsi considéré que l’obligation de reclassement n’avait pas été respectée, puisque non recherchée parmi les entreprises appartenant au réseau ; la conséquence est lourde : le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, entraînant la condamnation financière de l’employeur.
Dans la seconde espèce, la Cour de cassation (franchise LA COMPAGNIE DES PETITS), sanctionne la Cour d’appel pour avoir exclu l’application de l’obligation de reclassement au Réseau, considérant que l’activité dans le cadre du contrat de franchise ne suffit pas à démontrer l’absence de permutabilité du personnel.
Cette position est juridiquement incompréhensible.
Comment admettre que la notion de groupe au sens du Droit du Travail puisse englober des entreprises qui n’ont rien en commun, si ce n’est l’exploitation d’une marque et d’un concept ?
En attendant que cette jurisprudence ne soit précisée, ou mieux encore annulée, Franchiseurs, Franchisés, si vous entendez licencier un salarié pour inaptitude, ou pour motif économique, vous devrez rechercher une solution de reclassement au sein non seulement de votre entreprise, mais également de celles appartenant au réseau.
Il conviendra donc de dérouler la procédure de recherche de reclassement appliquée traditionnellement par les entreprises qui appartiennent à un groupe.
Comment faire ? Le franchiseur sera-t-il tenu de communiquer au franchisé l’identification de l’ensemble des membres du réseau afin que ce dernier puisse les solliciter aux fins d’effectuer la recherche de reclassement ?
Enfin, quelle sera la prochaine étape ? Espérons que cela ne sera pas la reconnaissance d’une Unité Economique et Sociale, avec ses conséquences en termes de représentation collective, et que la chambre sociale de la Cour de cassation, saura, un peu tard, raison gardée.
(
Cours de Cassation-Chambre Sociale- 15 janvier 2014- Pourvoi n°12-22944 ; Cour d’Appel de ROUEN – 3 décembre 2013- RG n° 13/01279)