- Le franchiseur peut- il stopper les livraisons de fournitures de son franchisé, alors que celui-ci est en défaut de paiement des redevances de son contrat ?
- Quel est le sort du fichier de clientèle ?
Dans un arrêt du 03 avril 2019, la Cour d’Appel de Paris a pris position sur ces deux questions en faveur de l’enseigne.
Ainsi, la question se pose souvent de l’obligation ou non pour le franchiseur/ concédant, de
respecter son obligation de fourniture des produits, alors que le franchisé ou le concessionnaire demeure en défaut de paiement.
Dans cette affaire relative à un contrat de concession, la société concédante avait suspendu la livraison des produits sur les deux magasins du concessionnaire, en invoquant une clause d’exception d’inexécution de ses Conditions Générales de Vente, à laquelle renvoyait le contrat de concession, indiquant expressément que
« le défaut de paiement d’une facture ou d’une traite à l’échéance, entraîne de convention expresse l’exigibilité immédiate de la totalité des créances en cours, la possibilité pour le vendeur d’annuler tout ou partie des ordres en cours ».
La Cour d’Appel de Paris, a considéré que le concédant pouvait valablement arrêter la livraison des produits au concessionnaire, en s’appuyant sur cette clause.
Tel n’aurait peut-être pas été le cas à défaut de clause expresse, puisque si le Code Civil (
Article 1219), prévoit la possibilité de faire jouer l’exception d’inexécution, ce n’est que si cette inexécution
« est suffisamment grave », laissant ainsi au juge le pouvoir d’apprécier la gravité de l’inexécution, ce qui peut demeurer aléatoire.
Les franchiseurs ou concédants auront donc avantage à inclure dans leurs Conditions Générales de Vente une telle clause pour se prémunir des impayés de leurs franchisés ou concessionnaires, et rapidement trouver une sortie au contrat.
Par ailleurs, lors de la
rupture du contrat de franchise ou contrat d’enseigne,
le sort de la clientèle fait souvent débat.
En l’espèce, le concessionnaire faisait valoir que le concédant avait organisé la captation de sa clientèle, du fait que le fichier de clientèle de ses magasins demeurait créé et géré par une société tierce, pour le compte du concédant, et qu’il ne disposait pas en conséquence du fichier ; il ajoutait que le concédant, par le biais du site internet et du programme de fidélisation des clients qu’il avait mis en place, se rendait coupable d’une concurrence déloyale à son égard.
La Cour d’Appel de Paris a écarté cette argumentation, jugeant qu’il appartenait au concessionnaire de constituer son propre fichier clientèle au fur et à mesure des achats de ses clients, notant par ailleurs qu’ il n’était pas démontré que la mise en place d’un programme de fidélisation des clients à la marque, était à l’origine d’une perte de chiffre d’affaires dans les magasins du concessionnaire, et enfin relevant que les ventes directes réalisées par le biais du site internet du concédant, n’étaient pas réalisées à des prix plus avantageux que les ventes réalisées dans les magasins du concessionnaire.
Ainsi, si la jurisprudence considère qu’en principe la clientèle est dévolue au fonds de commerce du franchisé, cet arrêt vient rappeler qu’il appartient au franchisé ou au concessionnaire de constituer son propre fichier clients, et que la gestion d’un fichier de clientèle par le franchiseur ne constitue pas en soi la preuve d’une captation de cette clientèle.
De même, la création d’un site internet par le franchiseur n’est pas en soi une pratique de concurrence déloyale à l’égard du franchisé.
CA PARIS 3 AVRIL 2019 (17/12787)