Pour mémoire, à la suite d’une enquête réalisée entre 2013 et 2016 sur 12 réseaux de franchise (notamment de restauration rapide), la DGCCRF s’est intéressée aux pratiques mises en œuvre dans le réseau Pizza Sprint, repris en janvier 2016 par Domino’s Pizza, dont s’est ensuite saisi le Ministre de l’économie.
Dans cette affaire, le Tribunal de commerce de RENNES a, le 22 octobre 2019, rendu sa décision.
Ce jugement qui déboute les franchisés de leurs demandes de nullité des contrats de franchise comporte toutefois d’intéressants enseignements quant aux clauses créant un déséquilibre significatif au sein des contrats de franchise.
En effet, dans ce jugement, le Tribunal de commerce de RENNES reconnait le caractère déséquilibré des trois clauses suivantes du contrat de franchise du réseau Pizza SPRINT :
1 Clause d’intuitu personae
Le contrat de franchise comportait la clause suivante :
« Le franchisé s’engage à informer le franchiseur de tout projet ayant une incidence sur la répartition actuelle de son capital ou de son principal actionnaire ou dans l’identité des dirigeants effectifs. […] Le Franchiseur aura alors la possibilité de constater la rupture anticipée du présent contrat. »
Le contrat prévoyait ainsi une clause d’intuitu personae au profit exclusif du franchiseur ; le franchisé n’avait quant à lui pas la possibilité de résilier le contrat de franchise en cas de changement dans la personne du franchiseur.
Le Tribunal de commerce a considéré que cette clause créait un déséquilibre entre les droits des parties, au motif que compte tenu de la taille du réseau Pizza SPRINT (89 points de vente en 2015), il se peut que certains franchisés se soient engagés en fonction de la personne du franchiseur fondateur du réseau.
Le Tribunal a indiqué qu’un « bon équilibre du contrat aurait dû permettre aux franchisés, en cas de modification de l’actionnariat ou des dirigeants du franchiseur, de résilier sans indemnité le contrat de franchise. »
2. Modalités de résiliation du contrat
Le contrat de franchise prévoit, dans l’hypothèse d’une résiliation aux torts du franchisé, le versement d’une indemnité calculée sur le montant des redevances dues jusqu’à l’échéance du contrat et d’au moins 50 000€. En revanche, aucune indemnité n’est due au franchisé, quelle que soit la cause de la résiliation du contrat et donc même en cas de faute du franchiseur.
Le Tribunal a considéré que cette clause « crée très évidemment un déséquilibre, par exemple dans le cas d’une résiliation aux torts du franchiseur ».
3. Fixation des prix de vente
Le Tribunal a relevé que du fait de la solution informatique imposée par le franchiseur, le « franchisés se heurtaient à de nombreuses difficultés quand ils souhaitaient changer les prix recommandés par la tête de réseau».
Le Tribunal a retenu que « cette défaillance du franchiseur, que le tribunal considère comme ayant été sciemment menée, constitue (…) une tentative de soumission au sens (…) du Code de commerce. »
Ce jugement du Tribunal de commerce rappelle ainsi que contrat de franchise, rédigé par le franchiseur, doit veiller à préserver l’équilibre entre les intérêts du franchiseur et du franchisé.
(Tribunal de commerce, RENNES, 22 octobre 2019, n°2017F00131)