L’article L.134-1 du Code de Commerce définit l’agent commercial comme un « mandataire […] chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
La Cour de Cassation a, depuis plusieurs années, adopté une interprétation stricte de cette définition.
Elle considérait en effet que seul pouvait être qualifié d’agent commercial celui qui disposait du pouvoir de modifier le contenu du contrat proposé (délai de livraison, conditions de vente ou prix).
Cette position restrictive de la Cour de Cassation avait pour effet de priver de nombreux agents de l’indemnité de fin de contrat spécifique aux agents commerciaux.
Par un arrêt du 4 juin 2020, concernant le contrat d’un agent commercial français, la CJUE a censuré la position restrictive de la Cour de Cassation en indiquant que pour bénéficier du statut protecteur des agents commerciaux indépendants, l’agent
« ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont [il] assure la vente pour le compte du commettant. »
(CJUE, n°C-828/18 – 4 juin 2020 - Trendsetteuse SARL contre DCA SARL).
La CJUE adopte ainsi une position large du terme « négocier ».
Par un arrêt de sa chambre commerciale, du 2 décembre 2020, la Cour de Cassation applique, pour la première fois, la position de la CJUE et opère ainsi un important revirement de jurisprudence.
Cette affaire concerne un contrat conclu entre la société Editions Atlas et un agent personne physique, pour la prospection de clients sur un secteur géographique déterminé et une durée indéterminée.
La Cour d’Appel avait privé ledit agent du statut d’agent commercial et rejeté ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat au motif que celui-ci n’avait pas de marge de manœuvre sur les prix, barèmes de remise et conditions générales de distribution et de vente des produits.
La Cour de Cassation a cassé cet arrêt d’appel en faisant expressément référence à l’arrêt rendu par la CJUE le 4 juin 2020, précédemment relaté.
La Cour de Cassation indique ainsi que :
“doit désormais être qualifié d’agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, quoiqu’il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.”
La Cour de Cassation opère ainsi un revirement de jurisprudence majeur en considérant, pour la première fois, sous l’impulsion de la CJUE, que l’absence de pouvoir de négociation des prix, ne prive pas l’agent du statut des agents commerciaux.
Du fait de ce revirement de jurisprudence, les contrats de mandat d’intérêt commun qui, jusqu’à présent, échappaient au régime des agents commerciaux (le mandataire n‘ayant pas de réel pouvoir de négociation des conditions de vente) se trouvent désormais soumis au régime des agents commerciaux et, notamment, à l’obligation de paiement d’indemnités de fin de contrat.
Il est dès lors impératif, pour les sociétés utilisant ce type de contrat pour la distribution de leurs produits, d’examiner les conséquences financières de ce revirement de jurisprudence sur leurs relations contractuelles.
Cass. Com, 2 décembre 2020, n°18-20.231