Dans le cadre de la construction d’une usine agroalimentaire, une société (société A) a, en qualité de maître d’ouvrage, conclu un contrat de maîtrise d’œuvre avec un architecte, les sociétés TECHNIP, SYNERGIE et BETEC.
L’exécution des travaux du lot « froid industriel et climatisation » a été confiée à la société IMEF, aux droits de laquelle vient désormais la société B.
Ce lot comportait l’installation d’un ensemble complexe d’équipements industriels destinés au conditionnement et au stockage de fruits et, notamment, chambres froides, surgélateurs, évaporateurs, compresseurs, tour de refroidissement, tunnel de surgélation.
Se plaignant de désordres affectant ces équipements industriels, après expertise judiciaire, la société A a assigné les sociétés B, TECHNIP et SYNERGIE en réparation du préjudice subi sur le fondement de l’
article 1792 du Code Civil.
En défense, ces trois sociétés se sont opposées à toute condamnation, considérant que lesdits équipements industriels ne relevaient pas de la garantie décennale dès lors que leur installation n’a nécessité aucuns travaux de construction, mais seulement des travaux de pose.
La Cour d'Appel de Limoges, dans un arrêt du 10 janvier 2019, a condamné solidairement les trois sociétés à réparer les préjudices subis par la société A, au motif que ces divers éléments d’équipements industriels, d’une certaine importance, étaient installés dans plusieurs bâtiments de l’usine, reliés entre eux par des armoires électriques et un réseau de canalisations posés au sol, traversant les cloisons et fixées à l’ossature métallique de l’immeuble.
Selon la Cour d'Appel de Limoges, cet ensemble technique, compte tenu de son importance et de sa technicité, devait être qualifié d’ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil.
Dans un arrêt du 17 décembre 2020, la Cour de Cassation a censuré cette position en relevant que la Cour d'Appel ne pouvait considérer ces éléments d’équipements industriels comme un ouvrage au sens de l’article 1792
sans rechercher si leur mise en œuvre avait nécessité les travaux de construction.
Ainsi, selon la Cour de Cassation,
toute installation technique, quelle que soit son importance, ne peut constituer un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code Civil si sa mise en œuvre n’a pas nécessité de travaux de construction.
Il s’agit d’une position constante de la Cour de Cassation mais pourtant souvent inappliquée par les juridictions comme le montre cette affaire.
Cass, Civ, 3ème chambre, 17 décembre 2020, n°19-14.374