28 février 2024 • Franchise
[Parole d’expert] Le contrat de franchise étant soumis au principe de la liberté contractuelle, il n’existe aucune durée légale imposée lors de sa signature. Fanny Roy et Nelly Machado, avocats associées du cabinet Piot, Roy & Machado, font le point.
Généralement, la durée moyenne d’un contrat de franchise est de 7 ans, correspondant à la durée des prêts professionnels habituellement consentis par les banques. Cette période n’est pas issue d’une disposition légale ; une autre pratique consiste pour le franchiseur à consentir un contrat d’une durée initiale de 5 ans, renouvelable pour 5 ans.
En application de l’article L.330-1 du Code de Commerce, les clauses d’exclusivité ont une durée limitée à 10 ans : l’obligation de n’exercer que sous l’enseigne du franchiseur, ou celle de ne s’approvisionner qu’exclusivement auprès de ce dernier devient caduque au-delà de 10 ans.
Par conséquent, en cas de prorogation de la durée du contrat de franchise au-delà de 10 ans, le franchisé pourrait considérer ne pas être tenu par les clauses d’exclusivité de son contrat.
La situation est différente lorsque la tête de réseau met en place un renouvellement de l’accord. Selon l’article 1214 du Code Civil, le franchiseur qui aura renouvelé le contrat de franchise initial, en fixant une nouvelle durée, repart sur un nouveau contrat.
Dans ce cadre, la jurisprudence lui impose de soumettre préalablement au franchisé un Document d’Information Précontractuelle (DIP), conformément à l’article L.330-3 du code de commerce. (Cour cassation com 14 janvier 2003, 00-11781). En effet, même s’il s’agit d’un renouvellement pour la même zone avec quasi les mêmes prestations, c’est un nouveau contrat ; le franchisé doit recevoir ce DIP pour s’engager en connaissance de cause.
Dans ce cas, en vertu de l’article 1215 du Code Civil, couplé à l’article 1214 alinéa 2 du Code Civil, les contractants qui continuent d’exécuter les obligations du contrat de franchise à l’expiration de son terme, poursuivent en réalité un nouvel accord, identique au précédent, mais dont la durée de validité est indéterminée. Cela signifie que chaque partie pourra y mettre un terme, en respectant un préavis d’usage selon les règles et coutumes du commerce.
Un arrêt récent de la Cour d’Appel de Versailles (12 décembre 2023, n°22/00209) illustre le cas pour lequel le contrat de franchise conclu était venu à expiration. Le franchisé avait informé la tête de réseau de sa volonté de ne pas renouveler le contrat dont le terme avait été fixé. L’enseigne avait accusé réception de la décision, tout en rappelant au franchisé son obligation de non-concurrence. Franchisé et franchiseur avaient tenté de négocier un accord pour formaliser un nouveau contrat ; pendant ce temps, le contrat initial se poursuivait. Suite à l’échec des négociations, le franchisé avait alors ultérieurement déposé l’enseigne en adressant un email 15 jours avant de mettre en place son propre concept de franchise, provoquant un contentieux.
Les juges ont considéré que le contrat de franchise n’ayant pas été renouvelé, du fait de la poursuite des relations commerciales entre les parties, un nouvel accord s’était formé pour une durée indéterminée permettant au franchisé d’y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter un préavis d’une durée raisonnable. Ce qui a été considéré comme tel. Il n’y avait donc ni abandon d’enseigne, ni rupture du contrat de franchise aux torts du franchisé.
Ainsi, la poursuite des relations contractuelles au-delà du terme fixé par le contrat sans que les parties aient concrétisé leur accord peut être source de conflits. Le franchisé doit donc considérer ces divers enjeux lors de l’échéance de l’accord : la formalisation du renouvellement évitera des situations ambiguës.