Fin de l’année 2011, le groupe PSA Peugeot Citroën a annoncé l'acquisition de sa filiale, le loueur de véhicules Citer, par l’américain Enterprise Holdings, exploitant de la marque internationale « Enterprise Rent-A-Car ».
Préparant la transformation prochaine de son réseau de franchise, la société Citer a notifié à ses franchisés le non-renouvellement de leurs contrats. Ainsi évincés du réseau, les franchisés National Citer ont médiatiquement dénoncé l’attitude jugée particulièrement déloyale de leur ancien franchiseur.
Reprochant à l’un de ses anciens franchisés, leader du mouvement, d’avoir mené une campagne de dénigrement à son encontre, la société Enterprise Holdings France, anciennement Citer, l’a assigné devant le Tribunal de commerce de Paris. Celle-ci faisait notamment grief à son ancien franchisé d’avoir véhiculé des propos outranciers, dénigrants et mensongers, dans le seul but de lui nuire. Elle soutenait également que la campagne médiatique initiée par son ancien franchisé et les tracts distribués avaient entraîné une dépréciation de sa marque, au sein de la clientèle et des salariés.
Le Tribunal a retenu l’entreprise de dénigrement effectué par le franchisé et l’a condamné à payer au franchiseur la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Devant la Cour d’appel, l’ancien franchisé condamné fait valoir que les actions menées avaient pour seul objectif de dénoncer collectivement, de façon factuelle et modérée, le comportement déloyal du franchiseur. Au surplus, il soulève que les propos tenus, à les supposer fautifs, relèveraient de la diffamation et non du dénigrement.
Par ailleurs, il sollicite que soit prononcée la nullité de son contrat de franchise pour dol, estimant que la société Citer aurait exercé des pressions sur ses franchisés pour qu’ils signent de nouveaux contrats et les aurait, en tout état de cause, trompés sur le sort réservé au réseau National Citer.
La Cour d’appel ne retient pas cet argumentaire et confirme le jugement rendu en première instance. En premier lieu, elle considère que le franchisé ne démontre pas l’existence de manœuvres dolosives et relève que ce dernier avait eu parfaitement connaissance de la date d’expiration du contrat nouvellement signé, sans que la société Citer ne se soit jamais engagée à le renouveler à terme.
En deuxième lieu, elle rappelle que le dénigrement dépasse la simple liberté d’expression, en ce qu’il consiste à jeter le discrédit sur une personne, un produit ou un service. Or, en l’espèce, les propos du franchisé mettaient directement en cause l’éthique du franchiseur envers son réseau et ont conduit certains clients à renoncer de recourir aux services de la société.
En dépit du contexte particulièrement tendu dans lequel s’est inscrite cette campagne des franchisés, ces derniers ne peuvent légitimement répandre des propos dénigrants à l’égard de leur franchiseur. En pareille situation, le franchiseur est légalement en droit de demander réparation du préjudice subi. Il doit néanmoins demeurer attentif au fondement sur lequel intenter son action. Le dénigrement est exclusif de la diffamation, définie comme l'allégation ou l'imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle il est imputé, contrairement au dénigrement qui vise uniquement des propos portant atteinte à l’image commerciale de la société. Une erreur de fondement entraînerait l’irrecevabilité de l’action. Le délai de prescription de l’action en diffamation étant en effet de seulement trois mois, les faits ne pourraient plus être poursuivis puisque prescrits. D’où l’intérêt de parfaitement qualifier les comportements en cause et, in fine, de constituer un dossier de preuves solide afin de valoriser le montant du préjudice subi.
Cour d’appel de Paris, 30 mai 2018, n°17/01693