Le franchiseur est-il libre de modifier son enseigne ?

24 avril 2017 • franchise


Un franchiseur est propriétaire de son enseigne, mais accepte qu'un entrepreneur tiers, le franchisé, utilise son concept contre le paiement de redevances. Que devient cet accord, aux fondements de la franchise, lorsque la tête de réseau décide de modifier l'enseigne ?

L’un des principes directeurs de la franchise est tout simplement le nom du réseau qui est créé et développé par le franchiseur. Car la franchise suppose que le franchiseur ait mis au point et exploité avec succès un concept, pendant une période raisonnable, qu'il soit titulaire des droits sur les signes de ralliement de la clientèle, enseigne, marque et autres signes distinctifs et qu'il apporte à ses franchisés une formation initiale et une assistance continue.

La définition ainsi rappelée du réseau de franchise montre que l’un des points clefs de la franchise est l’enseigne, protégée par une marque, et dont le franchiseur doit développer la notoriété et la pérennité pour l’essor du réseau. Toutefois, la question se pose de savoir, lorsque le réseau du franchiseur éprouve des difficultés ou qu’il a besoin d’évoluer, si le franchiseur a le droit de modifier l’organisation de son réseau, de le faire évoluer, notamment en modifiant son enseigne.

L'exemple Domino's Pizza

Une récente actualité dans l’univers des pizzas relance cette question. En effet, le groupe australien Domino’s Pizza Entreprises Limited, détenteur d’une franchise exclusive en France de la marque américaine de pizzas, a repris en octobre 2015 son concurrent Pizza Sprint, société rennaise comptant 90 établissements sous enseigne. Mais une trentaine de franchisés « frondeurs » refusent de passer sous l’enseigne Domino’s Pizza, dont les redevances sollicitées seraient supérieures à celles initialement contractées, et ont assigné le franchiseur devant le tribunal de commerce de Rennes en rupture de contrat.

L'issue de ce litige dépendra notamment du contenu du contrat et s’il était prévu la possibilité pour le franchiseur initial de se faire substituer. En outre, les obligations à un contrat ne peuvent être remises en cause qu’avec l’accord des deux parties. Cependant, la Cour de cassation a déjà reconnu « le droit qu’a tout fournisseur de modifier l’organisation de son réseau de distribution » (Cour de cassation, chambre commerciale, 2 décembre 2008) sans que ses cocontractants bénéficient d’un droit acquis au maintien de leur situation, et ultérieurement affirmé que « la nature de tout réseau implique la nécessaire évolution de celui-ci » (Cour de cassation, chambre commerciale, 7 janvier 2014).

Que prévoit la loi ?

La réforme du droit des contrats, qui entrera en vigueur le 1er octobre 2016 et qui mérite donc que l'on s'y attarde, estime que « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. »L’article 1195 nouveau du Code civil prévoit en outre : « si un changement de circonstance imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

C’est probablement en devançant cette réforme que la Cour d’appel de Paris vient de juger, dans une affaire similaire, que le franchisé était infondé à demander la résiliation du contrat aux torts du franchiseur, dès lors que l’avenant proposé ne modifiait que l’enseigne et que les autres éléments du contrat étaient inchangés, notamment les conditions financières et le savoir-faire. La Cour de cassation a confirmé la décision des juges du fond (Cour d’appel de Paris 5 février 2014 ; Cour de cassation 19 janvier 2016). Le franchisé n’avait effectivement pas obtenu gain de cause, car le franchiseur avait pris des précautions suffisantes pour garantir une transition progressive vers la nouvelle enseigne.

Les juges du tribunal de commerce de Rennes auront sans doute à apprécier si la transition proposée par Domino’s Pizza permettra aux franchisés d’appliquer sereinement la nouvelle politique du franchiseur.