Réseaux de distribution : attention à l’assimilation du dirigeant d’une société distributrice à un gérant de succursale

12 novembre 2017 • franchise


Au sein d’un réseau de distribution, lorsque la dépendance économique du distributeur est trop forte, la tête de réseau s’expose à un risque d’assimilation du dirigeant de la société distributrice à un gérant de succursale en application des articles L.7321-1 et suivants du Code du travail. C’est ce qui est arrivé à l’enseigne de distribution alimentaire SPAR. Une société constituée pour l’exploitation d’un magasin alimentaire avait signé un contrat de location gérance à durée indéterminée ainsi qu’un contrat d’approvisionnement exclusif avec l’enseigne SPAR lui accordant le droit d’exploiter un magasin SPAR. Les locataires-gérants ne sont cependant pas parvenus à obtenir les résultats escomptés de sorte que l’enseigne leur a signifié la résiliation du contrat de location gérance entraînant la rupture du contrat d’approvisionnement exclusif. La gérante de la société locataire a saisi le Conseil de prud’hommes aux fins de se voir reconnaître le statut de gérant de succursale et d’obtenir les indemnités de rupture au titre d’un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse. La Cour d’appel reconnaît sans difficulté la qualification de gérant de succursale, les critères de l’article L.7321-2 du Code du travail étant remplis. D’un point de vue économique, le statut de gérant de succursale est accordé dans les situations où une personne physique exploite un établissement avec une certaine latitude mais dans des conditions qui expriment cependant l’intérêt particulier qu’une entreprise porte à cette exploitation et une certaine dépendance économique du gérant à l’égard de cette entreprise. En l’espèce, le local était mis à disposition par l’enseigne et obligeait la gérante à respecter les normes d’exploitation fixées par la société Distribution Casino France. Le contrat d’approvisionnement prévoyait notamment la fourniture au distributeur d’un assortiment adapté à son type de magasin et à son environnement, une palette de tarifications de détail, un plan de vente annuel comportant des opérations obligatoires, optionnelles ou spéciales, des opérations individualisées, un plan d’aménagement du magasin, un plan d’implantation commerciale des rayons, un plan d’implantation commerciale des produits, la mise en œuvre d’un suivi commercial par des visites périodiques ou ponctuelles. Le distributeur avait l’obligation de respecter les méthodes, produits et systèmes communiqués ainsi qu’une politique de prix compétitifs et d’accepter les visites de contrôle. Le distributeur ne pouvait diminuer ou augmenter les prix des produits référencés au vu des contraintes résultant de son obligation de respecter une politique commerciale concurrentielle et de rendre des comptes sur ses résultats. L’enseigne SPAR négociait en outre directement avec les producteurs et fournisseurs. Le distributeur ne pouvait avoir de contact direct avec ces derniers. Enfin, des limitations importantes étaient apportées à la possibilité de s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs notamment de par l’obligation d’en informer l’enseigne. La Cour d’appel a, dès lors, considéré que l’existence de nombreuses obligations contraignantes et interdictions imposées au distributeur justifiait la requalification de la relation en la soumettant au droit du travail. L’enseigne SPAR a ainsi été condamnée à payer 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.700 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, 4.842 euros d’indemnité de préavis et 484,20 euros d’indemnité de congés payés, soit plus de 12.000 euros. La tête de réseau doit donc être particulièrement vigilante sur la nature et l’étendue des obligations qu’elle met à la charge de ses distributeurs. Le statut de gérant de succursale entraîne l’application d’un certain nombre de dispositions du Code du travail dont la tête de réseau a tout intérêt à se prémunir. Cour d’appel de Montpellier, 27 septembre 2017, n°17/0037